◮ PEOPLE WRITING SONGS THAT VOICES NEVER SHARE

Dimitri fixait le grand tableau noir en face de lui, comme si ce dernier pouvait lui permettre d'ignorer son voisin de classe, un certain Edward qui était "absolument ravi de faire sa connaissance" et qui avait "beaucoup entendu parlé de lui", ce que le jeune homme savait parfaitement faux, ayant toujours été d'une discrétion exemplaire, fréquentant peu les autres élèves de l'université. Cependant, par simple politesse, il répondait par quelques borborygmes aux questions posées par son camarade qui semblait mettre un point d'honneur à connaître tous les détails de sa vie, qui, pourtant, n'avait rien de passionnante. Il l'empêchait, en plus, de se concentrer sur ses devoirs et ses leçons, à savoir l'emplacement et le nom de tous les ligaments du corps, un exercice particulièrement long et fastidieux. Il sortit son portable de sa poche pour le consulter : aucun message, évidemment. Il tapota néanmoins sur le clavier et fit mine d'envoyer un texto, histoire d'ignorer quelques temps le monologue de Edward, et fut tiré de sa rêverie par ce dernier qui venait de poser sa main sur son bras, lui demandant d'un sourire charmeur s'il accepterait de venir boire un verre avec lui. Dimitri ouvrit grands les yeux. Est-ce qu'il avait l'air homosexuel ? Il ne l'était certainement pas. Comme pour se rassurer, il laissa un temps ses yeux appréciateurs dériver sur le fessier joliment rond d'une jeune femme qui passait par là. Edward lui tapota la main, soucieux "Est-ce que tu vas bien ? Tu as l'air ... ailleurs... Pendant un instant j'ai même cru que tu matais son cul". Dimitri lui envoya le regard le plus glaçant de son répertoire, le dévisageant de haut en bas et crachant avec raideur "Je ne suis pas homosexuel, Edward.". Ce dernier lui répondit d'un sourire contrit, avant de chuchoter "Ne t'inquiètes pas, je ne le dirais à personne, tu n'as pas besoin de faire semblant avec moi.". Le blond se dégagea de l'étreinte de la main de son interlocuteur sur son poignet "Je ne suis PAS gay. J'ai une copine.". Edward leva un sourcil interrogateur "Pourtant, tu traînes toujours avec le même garçon, et vous semblez très proches. Les rumeurs courent, tu sais.". Dimitri déglutit bruyamment "Comment ça ?" mais il n'eut pas le temps de s'en défendre en développant que déjà l'étudiant s'écriait "Regarde ! Ton petit copain arrive !"

Freddie, affalé sur le canapé, s'ennuyait à mourir. Il venait de finir un paquet entier de céréales et en aurait bien mangé un deuxième, mais il n'en restait plus. Désespéré par la qualité des dessins animés réalisés pour les enfants de nos jours, il éteignit la télévision et se leva. La journée était déjà bien entamée, mais le brun se baladait toujours en pyjama, à quoi bon s'habiller si on ne sort pas disait-il si quelqu'un avait l'audace de lui faire une remarque sur son look. Freddie n'était donc pas sortie depuis presque une semaine maintenant, le manque d'inspiration le torturait et le dégoûtait du monde extérieur. Il n'avait rien écrit depuis des jours, le chapitre neuf de son premier roman ne lui plaisait pas, il le trouvait fade et sans intérêt, il s'assit devant son ordinateur – toujours allumé – et essaya d'y remédier sans succès cependant. D'un revers de main il saisit le bas de son T-shirt et le porta à ses narines, il empestait comme une loutre dans le ventre d'une baleine. « Bon, je crois que je vais devoir me laver aujourd'hui ... » soupira-t-il sur le chemin de la salle de bain. Il enleva ses vêtements et se faufila sous l'eau chaude. Une fois propre, il se rendit dans sa chambre, une simple serviette autour de la taille. Freddie était du genre pudique, mais il était seul dans l'appartement, son colocataire n'était pas là. À la réflexion, la présence de Dimitri n'aurait rien changé, Freddie accepterait de lutter contre sa pudeur pour Dimitri. Le brun s'habilla sans trop faire attention à ce qu'il enfilait, il prenait se qui lui passait sous la main. Maintenant qu'il était habillé il fallait qu'il sorte c'était évident, en plus il n'y avait plus de céréales. Il attrapa ses clefs sur la table basse ainsi que son portable et il quitta l'appartement. Il était en route pour le supermarché du coin quand l'envie de voir Dimitri fut plus forte que l'envie de manger des cap'n crunch. Freddie savait qu'à cette heure-ci, le blond serait en salle d'étude et donc plus disposer à lui tenir compagnie. N'allez pas croire que Freddie avait apprit l'emploie du temps de son meilleur ami par coeur, c'est juste qu'il a une bonne mémoire en ce qui concerne Dimitri. L'université n'était pas si loin et il arriva assez rapidement. Dimitri était assis à côté d'une sorte d'abomination de la nature selon Freddie, en les apercevant si proche, le brun grimaça, il n'aimait pas être jaloux et il savait qu'il n'avait aucun droit de l'être, mais c'était comme ça. En essayant d'oublier son 'rival' Freddie s'approcha de Dimitri en souriant, pas trop pour ne pas lui faire honte. « Hey frangin, ça va ? »

Dimitri faillit partir en courant en voyant Freddie s'approcher. Pour plusieurs raisons : déjà, parce qu'il arrivait au mauvais moment et que sa venue corroborait les doutes de Edward - non pas que son avis l'intéresse, mais il préférait garder ses penchants secrets... secrets justement. Ensuite, parce qu'en ce moment il mettait un point d'honneur à l'ignorer. Oui, c'est mesquin, mais Dimitri n'avait jamais été un tendre. Freddie, c'était la preuve vivante qu'il pouvait être attiré par un homme. Et aussi prétentieux qu'il soit, s'il y a bien une chose qu'il n'assumait pas c'était cela. Comment s'en était-il rendu compte ? Peu après le coming-out de son meilleur ami, après une soirée bien arrosée, quelques verres en trop et des baisers échangés sur un lit d'appoint avant de ronfler aussi fort qu'une tondeuse à gazon. Un petit jeu qui n'avait pas été sans suite, à sa grande désillusion, il réalisait que son corps - au contraire de son cerveau - l'acceptait un peu trop bien. Certes, le jeune brun avait tout pour plaire, si on omettait les jours où il boudait la douche, et pour l'avoir vu plusieurs fois sans tee-shirt, il admettait que son physique ne le laissait pas indifférent. Mais tous, et particulièrement le principal intéressé, devaient ignorer cette partie refoulée de lui. Il espérait qu'en l'enfouissant suffisamment profondément, elle disparaîtrait totalement et ne serait plus qu'un mauvais souvenir. Néanmoins, il tenta de faire bonne figure et lança un sourire amusé à son camarade de chambrée qui s'avançait d'un pas décidé et le saluait d'un « Hey frangin, ça va ? ». Edward, qui ne semblait pas décidé à partir, s'avança pour souhaiter la bienvenue à Freddie qui le toisait d'un air dédaigneux, attitude qu'il essayait de cacher sous un visage parfaitement neutre. Pari raté. Dimitri donna l'accolade au brun et demanda en gardant un semblant de distance "Freddie. Qu'est-ce que tu fais ici ?". C'était un peu froid, mais il n'avait jamais été très généreux quand il s'agissait de montrer ce qu'il ressentait et pensait. Un gamin de la haute, parmi tant d'autres, qui avait suivi avec beaucoup d'attention les cours de bienséance et les appliquait à la règle, avec une rigueur qui en aurait fait pâlir plus d'un et qui effrayait ses interlocuteurs. Pas Freddie. Mais Freddie était différent, il le connaissait mieux que personne, et savait déceler dans chacun de ses masques ses émotions les mieux dissimulées. Edward les observa et cligna des yeux, moqueur "C'est amusant, à la façon dont vous vous regardiez, je n'aurais jamais deviné que vous étiez juste des amis. Ça porte à confusion.". Dimitri lui répondit d'une voix blanche et si glaciale qu'elle aurait refroidit le Pôle Nord "Mêles toi de ce qui te regarde. Il n'y a rien entre cet homme et moi, et je ne suis PAS gay. Et même si je l'étais, tu n'aurais pas ta chance. Maintenant, barres toi parce que j'ai une très forte envie de te défoncer la gueule.". L'étudiant avait beau être plus grand que lui, il prit peur et partit sans se retourner, en grommelant des injures. Dimitri put enfin souffler et en profita pour remettre son costume en place, replaçant sagement sa chemise entrouverte et sa veste grise, puis passant une main dans ses cheveux pour leur redonner leur forme. "Non mais quel emmerdeur !" jura t-il entre ses dents.

Derrière ce visage froid, Freddie ne doutait pas que Dimitri était heureux de le voir, du moins une partie de lui le savait, l'espérait, l'autre partie avait toujours peur de déranger. Quand le blond demanda à Freddie ce qu'il faisait là, il répondit simplement « j'ai finis mes cap'n crunch ... » en faisant bien attention de ne pas souligner, ni de faire aucune allusions au fait que lui et Dimitri vivaient ensemble. Freddie ne réalisa qu'après coup que ce n'était pas une raison très valable et qu'il venait juste de se faire honte lui même, il s'empressa d'ajouter « enfin je passais dans le coin ... ». L'abomination de la nature observait les deux hommes avec attention - eux pourtant évitaient soigneusement leur regard « C'est amusant, à la façon dont vous vous regardiez, je n'aurais jamais deviné que vous étiez juste des amis. Ça porte à confusion. » Freddie avait beau savoir que cette remarque allait donner des élans meurtrier à Dimitri, une fois l'étonnement passé, il ne put réprimer un petit rire. Sans rien dire, il laissa son ami s'énerver, il le laissa protester qu'il n'était pas gay, en pensant pourtant à ces quelques fois ou Dimitri avait vraiment l'air d'être tout sauf hétéro. Si quelques secondes plus tôt la situation l'avait fait rire, maintenant Freddie se sentait bien piteux, presque triste. Toujours avec cette classe qui le caractérisait, Dimitri commença les menaces. L'étudiant qui avait osé remettre en cause ses penchants sexuels, ne tarda pas à sortir de la pièce. Freddie n'était pas certain que de réagir ainsi était la meilleur solution, mais il n'en dit rien, à quoi bon énerver le blond plus que ça ? « Non mais quel emmerdeur ! » la main droite de Freddie de leva avec l'intention de tapoter gentiment le bras de Dimitri pour le réconforter quand, à quelques centimètre, il se stoppa net, les contactes physiques étaient plutôt déconseillés à présent. « c'est bon ce crétin est partie. » signala Freddie en souriant. Déterminé à passer à autre chose, il se pencha sur les fiches complexes, étalés sur la table, il inspecta les images d'un livre sans rien y comprendre « Je me demande vraiment pourquoi tu apprends tout ça ... Tu vas pas me dire que découper des corps c'est un truc que tu veux faire toute ta vie, si ? »

« Je me demande vraiment pourquoi tu apprends tout ça ... Tu vas pas me dire que découper des corps c'est un truc que tu veux faire toute ta vie, si ? » s'enquit Freddie, tâchant de garder une distance raisonnable entre eux et essayant tant bien que mal de déchiffrer un schéma sur le cerveau humain et la transmission intra-cellulaires qui semblait le laisser perplexe. Dimitri soupira et rétorqua « Il ne s'agit pas que de cela. Ce n'est pas juste découper un corps, comme tu le soulignes avec tant de pertinence. Parce que, justement, ce n'est pas un corps que tu découpes, c'est une personne à qui tu permets de vivre plus longtemps, d'être en bonne santé, d'être heureuse, d'avoir des enfants, de tomber amoureuse. Mais évidemment, il y aura toujours des gens comme toi qui préféreront colmater devant la télévision à longueur de journée en prétendant faire quelque chose de leur vie.» . Il se mordit la langue inférieure, se maudissant de tant de sécheresse. S'il était de mauvaise humeur, ce n'était nullement de la faute de Freddie. Il s'excusa aussitôt « Pardonnes moi. J'ai passé une mauvaise journée, je ne devrais pas me défouler sur toi. On va faire un tour, tu veux ? » joignant les gestes à la parole, il rassembla ses fiches et les rangea dans sa mallette en cuir, jeta un coup d'oeil aux alentours et se dirigea vers la sortie, accompagné de Freddie. Une fois dans le couloir vide, il rejoignit les toilettes des hommes pour se laver les mains, une vieille habitude qu'il avait prise lors de sa première année au collège. Il se méfiait toujours des mains des autres, pleines de bactéries. Calmé par le contact de l'eau froide sur sa peau, il se sécha lentement les doigts et se retourna vers Freddie, lui adressant un sourire ravageur. Plus sûr de lui, il lui dit d'une voix rauque après avoir vérifié que personne n'était dans les autres toilettes « Tu sais, tu es vraiment bien foutu. Je devrais te garder enfermer pour t'avoir rien qu'à moi. » il réduisit la distance entre eux et posa ses lèvres sur celle de son "meilleur ami" - oui, on y croit - furieux contre lui même d'être incapable de résister à ce genre de pulsion qui le prenait en posant ses yeux sur son corps d'éphèbe.

'il ne le pense pas, il ne le pense pas Freddie, laisse le parler il est juste en colère' se répétait Freddie pour oublier l'injustice don il était la victime. Dimitri avait comme d'habitude oublié d'être gentil, mais le brun ne pouvait se résoudre à lui en vouloir pour de bon. Évidemment il était blessé, mais il cherchait encore et toujours des excuses à Dimitri, parce qu'il l'aimait, parce qu'il savait que derrière ces airs supérieures il y avait quelqu'un de bien. Alors il encaissait, craignant de le perdre s'il ripostait. Il avait l'impression que Dimitri lui plantait des coups de couteau du regard, tout en tentant de le briser en mille morceaux par ses paroles. Mais le supplice s'acheva, la bataille ne durais jamais bien longtemps. « Pardonnes moi. J'ai passé une mauvaise journée, je ne devrais pas me défouler sur toi. On va faire un tour, tu veux ? » Le visage de Freddie s'illumina, évidement qu'il le pardonnait, il ne lui en avait jamais voulu de toutes façons « pardonner quoi ? » demanda-t-il avec un sourire naturel « allons-y ! ». Il se leva et rassembla quelques feuilles pour les donner à Dimitri et le suivit ensuite en dehors de la salle. Même s'il n'en avait pas conscience, Freddie avait tout d'un chien, fidèle et loyal sans conditions à son maître, malgré les punitions et la cruauté. Une fois seuls dans les toilettes, Dimitri démontra encore une fois quel talent il avait à faire ce qu'il voulait de Freddie « Tu sais, tu es vraiment bien foutu. Je devrais te garder enfermer pour t'avoir rien qu'à moi. » il s'approcha alors du brun, puis l'embrassa. Comme d'habitude ce baisé était étrange, il mêlait rage et amour, car ils s'aimaient tout les deux, ils en avaient certainement conscience dans le fond. Le brun ne savait pas ou poser ses mains, il n'osait pas toucher Dimitri de peur de faire un mauvais geste, il les posa alors contre rebord du lavabo contre lequel il était appuyé, se laissant faire, savourant chaque secondes de tendresse. Quand leurs lèvres se détachèrent, il tenta de demander « Je ... pourquoi tu ... » mais sous le regard soutenu de Dimitri qui avait certainement deviné sa pensé, Freddie abandonna « oublis ça. » il rapprocha son visage de celui du blond, mais recula rapidement, il savait que s'ils devaient s'embrasser, Dimitri s'approcherait le premier. On entendait de l'autre côté du mur, de nombreux étudiants passer et Freddie, soucieux du bien être de son meilleur ami proposa « On devrait peut-être aller autre part, si quelqu'un nous voyait ... »

Tester les limites de Freddie, c'était un jeu auquel le russe ne pouvait s'empêcher de jouer. Le jeune homme semblait prêt à tous les compromis pour recevoir des preuves d'amour de Dimitri, peu importe à quel point ce dernier en profitait, jouissant de ce privilège et de ce pouvoir qu'il avait en toute connaissance de cause. Non qu'il aimât faire souffrir son meilleur ami, il n'était pas masochiste et se haïssait de le blesser en lui permettant des espoirs et en l'obligeant malgré lui à s'accrocher à lui alors qu'il aurait du au contraire s'en détacher et l'oublier. Mais le jeune homme le mettait dans tous ses états, il ne se comprenait pas lui même quand il se trouvait en présence de Freddie, comme si tout état d'âme lui échappait, il le voulait pour lui seul, et ne pouvait tolérer de le voir accompagné d'un autre. Cette jalousie le rongeait. Mais plus encore, la perspective de l'aimer l'effrayait. Il était en couple et il aimait Jolene, il en était persuadé. Plus il s'accrochait à cette certitude et plus celle ci lui donnait des arguments contraires. De toute façon, il n'avait pas le choix. Sa famille ne tolérerait jamais son homosexualité. Elle qualifierait ses penchants d'erreurs de jeunesse, hausserait les épaules et le menacerait s'il ne coupait pas les ponts tout de suite avec Freddie. Voilà pourquoi il ne pouvait même pas envisager la possibilité d'un avenir avec son colocataire. Mais en attendant, éperdu de peurs et de désirs contradictoires, il s'emparait comme un noyé des lèvres de Freddie, les dégustant avec ferveur et délectation, goûtant avec un plaisir interdit leur saveur qui avait l'amertume du pêché. Il se sentait sale, sale d'aimer ça, deux hommes ne sont pas censés s'embrasser, c'est contre nature : c'est ce qu'on lui avait toujours dit, Dieu avait créé la femme et l'homme pour qu'ils vivent heureux et ensemble. Ce qui faisait d'eux des monstres, adeptes du vice. 'J'irai me repentir à l'Eglise' se promit-il, engourdit par ce baiser. Un instant, Freddie se dégagea de leur étreinte et voulut demander quelque chose. Le regard de Dimitri le réduisit au silence, et un instant le brun s'avança pour l'embrasser à son tour, mais recula promptement en entendant du bruit dans le couloir « On devrait peut-être aller autre part, si quelqu'un nous voyait ... ». Aussitôt, Dimitri se recula et lança un regard accusateur en direction de la porte. Persuadé de ne plus entendre qui que ce soit, il vola à nouveau un baiser à Fred et lui attrapa la main pour l'inciter à partir « Tu as raison. Tu veux aller où ? ».